mercredi 1 avril 2015

Moral hier = Moral aujourd'hui ?!

Dans deux précédents billets (ici et  ) nous vous indiquions deux phénomènes relatifs à l'influence d'un comportement moral passé sur un comportement moral futur. 

- Le premier : le « moral licensing »  ou encore l’absolution d’être moral se déroule généralement lorsque nous nous remémorons des actes passés où nous avons agi de manière positive envers autrui. Ce sentiment d’avoir agi moralement valide la pensée selon laquelle nous sommes un individu vertueux. Par conséquent, nous ne nous sentons pas obligés de le prouver à nouveau.
- Le deuxième : l'identité morale quand les gens qui se perçoivent moraux tendent à agir dans ce sens via certains comportements sociaux.


Ces deux mécanismes semblent contradictoires. Dans un cas, s'être comporté de façon vertueuse favorise un comportement moral ultérieur alors que dans le second, il favorise un comportement immoral. Conway et Peetz ont cherché à rendre compte de ces résultats antagonistes.

LeMasney. (2010). A moral compass[Photographie]. Tiré de https://www.flickr.com/photos/lemasney/5211610431/

Comment sont donc régulés ces comportements ?
Conway et Peetz (2012) réalisent trois expériences. Dans ce billet, nous n'en relaterons qu'une seule des trois, la plus pertinente à nos yeux:
151 individus participent à l'expérience. Les personnes devaient écrire et cela tiré aléatoirement, des comportements moraux ou immoraux qu'elles avaient effectués dans un passé proche ou lointain. La distinction s’opère sur le fait que les individus devaient soit parler d'eux soit parler d'un ami.    
Pour résumer, il y avait 2 groupes : Soi / Autrui      
Et 4 conditions à l'intérieur de ces groupes : Moral, lointain / Moral, proche / Immoral, lointain / Immoral, proche.           
On mesure ensuite la volonté des individus d'agir moralement sur une échelle allant de 1 à 7. Plus la valeur est haute plus la volonté d’agir moralement est forte.

Soi :



Les résultats mettent en évidence les effets d’une variable modératrice appelée "distance temporelle": selon que l'on pense à un événement proche ou lointain les effets s'inversent!  Selon les auteurs, qui se basent sur la théorie des "niveaux de constructions", on envisage les événements lointains de façon abstraite, schématique, décontextualisée. A l'opposé, les événements proches sont perçus de façon concrète,  détaille, contextualisés, liés à l'incident, etc. 

Vous l’aurez peut-être compris en lisant l’expérience : Conway & Peetz (2012) proposent une variable modératrice c'est-à-dire " la conceptualisation des comportements passés " selon que ces comportements soient abstraits ou concrets. En accord avec la théorie CLT (trad fr ???) et la théorie de l'identification de l'action, des actions et des événements peuvent donc être construits de manière concrète ou abstraite. Les construits abstraits sont schématiques, décontextualisés, pauvres en détails , etc. A l'opposé, les construits concrets sont détaillés, contextualisés, liés à l'incident, etc. 

Si concret (événement proche):

On  envisage la situation comme une série d'objectifs à atteindre et ces objectifs sont donc validés car récents dans le temps. L'individu ne se sent alors plus obligé de les atteindre et se permet d'agir de manière compensatoire.

Si abstrait (événement lointain) :

Dans ce cas, l'individu se souvient des ses actes moraux passés non plus en regard de leur réalisation mais en regard du "pourquoi", du but de ces actes. Cela ramène l'individu à son identité de soi "je suis une bonne personne". Dès lors, il a davantage tendance à se comporter de manière cohérente avec cette image.

...Si ces mécanismes sont en cause, ils ne devraient s'appliquer qu'à nos propres comportements moraux. Lorsqu'on pense aux comportements d'autrui, cela n'engage ni notre identité morale ni le sentiment d'avoir accompli un objectif. Pour en être certains, Conway et Peetz ont introduit 4 conditions en tous points identiques aux précédentes si ce n'est qu'il fallait cette fois penser au comportement d'un ami. Cette fois, aucune différence significative n'est observée entre les conditions, ce qui corrobore leur interprétation. CQFD. 

Cette fois, nous vous avons donc proposé une autre manière de s’engager, bien différente dans ce que nous vous soumettions avant. Cette fois, les éléments comme l’argent, le sentiment de contrôle, les performances, sont mis de côté. La distance temporelle et la centration sur le Soi sont employées comme variables modulant l’engagement.

Pour maximiser les efforts pro-sociaux, il faudrait donc faire en sorte que les bons actes passés soient mis en lumière sous formes abstraites (implication pour l'identité du Soi) tandis que les échecs moraux passés soient plus concrets (basés sur le comportement). De plus, nous pourrions appliquer ce principe au passé mais peut-être aussi au futur.

Bibliographie:
Conway, P. & Peetz, J. (2012). When does feeling moral actually make you a better person ? Conceptual abstraction moderates whether past moral deeds motivate consistency or compensatory behavior. Personality and Social Psychology Bulletin 38(7). P 907-919.

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