mardi 17 mars 2015

L'argent vous motive-t-il dans votre travail ?

Nous connaissons tous le principe de prime à la performance qui cherche à motiver le personnel. Contrairement à une récompense monétaire, d'autres préfèrent valoriser leur meilleur employé (personnellement, feedbacks positifs, socialement...) en le nommant, par exemple, employé du mois. 

Selon vous, laquelle de ces méthodes est la plus efficace ?

Comme nous l'avons vu précédemment dans l'article : " Vous souhaitez susciter l'engagement chez vos employés sans leur mettre trop de pression ? " une grosse somme d'argent diminue l'engagement des gens par rapport à une plus petite somme. Elle suscite un sentiment de pression externe plus  important et donc un contrôle interne réduit. Dès lors le pouvoir motivateur de l'argent est-il remis en cause ? Une congratulation personnelle et/ou  sociale ne suffirait-elle pas à motiver les gens ?

Imaginez un exemple dans la vie de tous les jours : l'adolescente de vos voisins aime bien garder vos enfants lorsque vous êtes absents et ce, de façon totalement bénévole. Vous ne cessez de la remercier et de lui dire que les enfants adorent quand elle s'occupe d'eux. Un jour toutefois, vous vous faites la réflexion suivante : après tout, vous trouvez que tout travail mérite salaire, il serait donc juste de  lui donner une petite somme d'argent. Est-ce qu'elle aimera toujours autant garder vos enfants ?


Deci (1971) pense que les récompenses externes octroyées pour une activité ont un effet sur la motivation intrinsèque préexistante. Ces récompenses externes peuvent être soit monétaires, soit prendre la forme de renforcements verbaux et de feedbacks positifs. Pour vérifier l'impact de ces deux types de récompenses, il va mener deux expérimentations.
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 Puzzle. [illustration]. Tiré de : http://pixabay.com/fr/puzzle-puzzle-piece-gap-absent-75659/

La première expérimentation regroupe 24 personnes, réparties en deux groupes de 12 : un groupe contrôle et un groupe expérimental. Chaque personne participe à trois étapes d’une heure, réparties sur trois jours. Durant ces trois stades, il leur est demandé de rassembler les pièces d’un puzzle afin de réaliser différentes formes. Le temps qu’ils mettent à résoudre chaque configuration est mesuré, et ils sont arrêtés à 13 minutes maximum.
Durant la première étape, les deux groupes font la même chose. Durant la seconde, les personnes du groupe expérimental sont rétribuées 1$ pour chaque configuration qu’ils parviennent à réaliser en moins de 13 minutes. Les autres ne reçoivent rien. Lors de la troisième étape, aucun des deux groupes ne reçoit d’argent pour réaliser les puzzles (on dit à ceux qui avaient été payés en seconde session qu’il n’y a plus d’argent pour pouvoir les rétribuer).
Pour obtenir une mesure de la motivation, l’expérimentateur, au milieu de chaque session, quitte la pièce durant 8 minutes en indiquant à la personne qu’il n’en a que pour quelques minutes, qu’elle peut faire ce qu’elle désire pendant ce temps (lire des magazines à disposition, continuer les puzzles, marcher un peu pour observer la pièce, ou autre). On mesure ensuite durant ces 8 minutes de libre choix le temps que la personne va volontairement passer sur le puzzle. 
Enfin, à la fin de chaque étape, les personnes sont invitées à indiquer l’intérêt qu’ils ont eu à réaliser leur tâche, sur une échelle de 9 points.
Ces deux méthodes (temps et niveau d'intérêt) sont employées comme indicateurs de la motivation.

Deci a observé que la motivation (mesurée durant les 8 minutes de choix libre) a augmenté lors de la seconde étape dans le groupe expérimental mais pas dans le groupe contrôle. Pour le groupe qui a été payé en seconde étape, la motivation s’avère largement plus basse lors de la troisième étape que lors de la première.
Il n’y a pas de différence significative dans les résultats à l’échelle d’intérêt sur 9 points des deux groupes.
La conclusion de cette première expérience est que l'argent fait diminuer la motivation.
Revenons à l'adolescente qui garde vos enfants. D'après cette expérience, elle sera moins motivée à garder vos enfants si vous commencez à la payer !

La seconde expérience ressemble très fort à la première. La grosse différence réside dans le fait que la récompense que l’on attribue aux personnes du groupe expérimental n'est plus cette fois dans un paiement en argent. En effet, il s'agit cette fois de renforcements verbaux (« c’est très bien ! ») et de feedbacks positifs (« vous faites mieux que la moyenne pour ce puzzle ! ») même si ceux-ci sont faux. Ainsi, lorsqu’une personne ne parvient pas à résoudre une configuration, on lui indique que c’est l’une des plus difficiles de toutes, que la plupart des gens n’y parviennent pas.

La motivation interne des personnes du groupe contrôle a constamment diminué au cours des trois stades. La motivation des personnes du groupe expérimental, à l’inverse, n' a pas diminué au cours de l'expérience

Les renforcements verbaux et feedbacks positifs ont ici maintenu la motivation qui sans cela aurait diminué.

Pour en revenir à notre question initiale, la méthode la plus efficace pour motiver vos employés serait donc la valorisation de ce qu'ils accomplissent. Contrairement aux idées reçues, l'argent ne semble donc pas constituer un bon motivateur dans le travail.

La récompense par approbation sociale ne semble pas être perçue comme un mécanisme de contrôle. Elle s'apparente à de l’affection et de l’approbation verbale. Ceci expliquerait qu’elle n’ait pas le même impact négatif que l’argent sur la motivation. 

Selon Deci, la diminution (plus que temporaire) de motivation interne associée à la récompense pécuniaire est peut-être due à sa connotation et son usage dans notre culture. C'est pourquoi il serait intéressant de nous pencher sur d'autres formes de récompenses comme des rétributions non monétaire. Dans notre prochain billet, nous nous intéresserons plus précisément à la motivation chez les enfants. En effet, leurs perceptions des récompenses n'est pas forcément la même qu'un adulte.

Bibliographie :

Deci, E. (1971). Effects of externally mediated rewards on intrinsic motivation. Journal of Personality and Social Psychology. P. 105-115

2 commentaires:

  1. Je ne comprends pas la conclusion. C'est l'arrêt de la rétribution qui fait baisser la motivation, pas la rétribution ! Quid si on avait arrêté de congratuler en 3eme étape? Le résultat n'aurait il pas été le même ?

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    1. Merci de votre intérêt pour notre blog !
      Pour répondre à votre question, en ce qui concerne la deuxième expérience au niveau de la 3étape, le groupe contrôle ainsi que le groupe expérimental ne reçoivent plus de renforcements verbaux, on ne les congratule plus et pourtant ils sont toujours motivés.
      J'espère avoir répondu à vos attentes.

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